Depuis la fin de l’année 2018, le groupe Onipa sème des singles alléchants, à mi-chemin entre la culture club et jazz de Londres et les rythmes traditionnels du Ghana et d’ailleurs. We No Be Machine, leur premier album abouti que l’on soupçonne déjà d’être intemporel…
Nous étions prévenus. À travers les deux clips qui ont précédé la sortie de l’album, Onipa offrait une bande-annonce fidèle à ce qu’ils étaient en train de cuisiner dans l’ombre ; un numéro de jongles agile avec dans une main, le tube soukouss irrésistible « Makoma », et le morceau-phare « We No Be Machine » dans l’autre, parfait exemple d’accouplement entre rythmes traditionnels africains et géniales mélopées synthétiques. Ces arrangements singuliers rappellent indubitablement les folies organiques du dernier album du crew UK jazz Nubiyan Twist, mené par Tom Excell. Ce dernier, également chef d’orchestre d’Onipa, s’est entouré d’une équipe de choc composée de son binôme et chanteur ghanéen K.O.G., Dwayne Kilvington aux claviers et Finn Booth à la batterie. Les talents des musiciens convergent pour diffuser le message résumé par ce titre éponyme, qui dénonce notre dépendance à la technologie et notre soumission vis-à-vis des machines, au détriment de notre connexion antédiluvienne à la planète.
Onipa plante un épais décor afro-futuriste et déroule sans détour les 19 titres qui composent cette œuvre dense et jubilatoire, une sorte d’aller simple mouvementé entre nostalgie et dystopie. Onipa signifie par ailleurs « humain » dans la langue twi parlée par le peuple ashantis du Ghana. Le quatuor se sert de notre aptitude ancestrale à survivre et d’autres éléments du passé pour répondre aux grandes énigmes et problématiques du futur. Cette thématique étant posée sur la table, place à la danse ! Car même si le message peut sonner pessimiste sur le papier, We No Be Machine est avant tout un album festif où la variété des rythmes et des influences fait directement appel à notre jeu de jambes, à l’image de l’enjoué « Yenimno ».
Les esprits les plus rigides diront peut-être qu’il y a à boire et à manger dans cet album hétéroclite qui donne l’impression de partir dans tous les sens, comme un chien fou qu’on libérerait de sa laisse. Il est vrai que musicalement, on pourrait se sentir malmené par l’enchaînement brutal des genres, mais les leaders d’Onipa ont pourtant baptisé cette musique libérée en la qualifiant de « Savanna Bass ». On passe du coq à l’âne, puis de l’âne à l’éléphant, entre le 2-step africanisé de « Hey no say », le rap charnel de « Free up », la sombre ambiance kuduro de « Sohaa Gb3k3 » et autres airs highlife, afrobeat ou même UK bass. Mais au-delà des étiquettes, le dénominateur commun est à déchiffrer dans le sujet : le mariage possible entre l’électronique et les cultures rythmiques africaines à travers l’histoire. En d’autres termes, la technologie au service des traditions, et non l’inverse.
Ainsi, en plus de dompter leurs instruments et machines avec brio, les membres d’Onipa n’hésitent pas à s’entourer de talents issus du continent, en faisant appel aux sœurs tanzaniennes Leah et Peno Zawose, aux sud-africains Morena Leraba et Spoek Mathambo, à la chanteuse afropop ghanéenne Wiyaala, ou au joueur de kora gambien Jally Kebba Susso, entre autres collaborations bien choisies. C’est aussi grâce à eux qu’ils rendent ce premier album jouissif, moderne et coloré, en lui donnant de faux-airs d’une machine à voyager dans le temps, que l’on aurait volontairement sabotée pour le plaisir de nous surprendre. Une réussite.
L’album est disponible depuis le 20 mars. Commandez-le ici